Chaussons Wild Climb – test de la gamme “Pantera”

Aujourd’hui je vous présente une gamme de chaussons que j’affectionne particulièrement et dont je possède plusieurs paires: c’est mes chaussons principaux pour la falaise et la grande voie calcaire. Il s’agit des wild climb « pantera » qui existent dans bien trois déclinaisons à lacets et deux à scratch. En particulier je vais vous parler des modèles Velcro, 2.0 et Laser

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de gauche à droite: Panter Velcro, Laser, 2.0

Forme générale

Pour tous les modèles on est sur une forme pointue, centrée sur le gros orteil et assez cambrée, qui peut rappeller de loin les « miura vs » de chez lasportiva (plus larges et asymétriques que les miura lacet traditionnelles).

Les volumes sont légèrement différents selon les variantes.  La version à scratch (velcro en italien) est celle qui chausse le plus près du pied, on est je dirais sur un volume « moyen » voir étroit  tant en pointe qu’au talon. Ce ressenti est dans doute dû au report de gomme pour les contrepointes, qui limite la détente du chausson, et à la différente construction du talon.

La version bleue (2.0) chausse avec un peu plus d’aisance en pointe, mais le talon est cette fois moins volumineux, à cause d’une sorte de doublure interne.

La version orange (Laser) est la plus accueillante : tant la matière riche en perforations que le talon se montrent plus élastiques que chez ses frères. On en tire à la fois un plus grand confort d’accueil et une impression de plus grand volume : comme la semelle reste de longueur identique, le pied se retrouve un peu plus « cambré », à parité de pointure.

Matière

On retrouve sur les trois modèles la même microfibre, sur laquelle le fabricant italien communique beaucoup. Il s’agit d’un laminé en deux strates, conçu de façon à obtenir une élasticité parfaitement homogène dans toute direction.

Effectivement le marque de fabrique des wild climb est cette sensation d’avoir un chausson « fait », moulé à ses pieds dès la première utilisation. L’élasticité du matériel est dosée de façon optimale pour avoir ce ressenti plutôt confortable, sans pour autant perdre en précision et support du pied : d’une façon générale les « pantera » restent des chaussons structurés, orientés à la pratique outdoor et à la précision/poussée plutôt qu’aux adhérences, sensations et pratique indoor.

Autre caractéristique particulière de cette microfibre, c’est son comportement dans le temps. Ces chaussons tendent à sembler à peine plus confortables et « faits » au fil de la séance et avec des utilisations régulières, surtout en conditions chaudes ou si vous les portez longtemps (grande voie, salle d’escalade). Par contre, une fois rangés au placard, ils vont lentement retrouver leur volume d’origine, ce qui parfois laisse surpris : quand vous les mettez après des semaines d’inutilisation, ils sont plus petits que dans vos derniers souvenirs !!!. Raison pour laquelle il ne faut pas trop oser dans le choix de la pointure. Cette caractéristique reste en partie vraie au fil des ressemelages : ne vous attendez pas que la paire « performance » prise bien étroite au départ devienne dans le temps votre chausson de grande voie!

Choix de pointure

Pour le modèle à scratch : prenez deux pointures en moins que la pointure de ville pour une paire dédiée à l’essai ultime dans le projet de votre vie, 1,5 en moins pour une utilisation standard en bloc ou falaise, 1 en moins pour la grande voie ou de falaise tranquille, demie en moins ou même pointure pour des très longues grandes voies sans jamais déchausser.

Par rapport à la version à scratch, dans la même taille, la version bleue chausse un poil plus petit (pensez un quart de pointure) alors que l’orange un peu plus grand, au point qu’un 41.5 en bleu vaut un 41 en orange.

Rigidité et performances.

Pour ce qui est de la rigidité, on peut classer les oranges et les scratch à parité, dans une catégorie « moyenne/haute », et les bleues en « franchement rigide ».

Les trois modèles s’illustrent au mieux en falaise calcaire, avec quelques différences.

Les scratch sont de loin le meilleur choix des trois quand il faut utiliser talons et contre-pointes en bloc outdoor, en salle, ou dans du plafond à concrétions et gros trous, même si leur relative rigidité est un handicap quand ça penche beaucoup (il existe aussi une version plus souple). Ils ont aussi une pointe un peu plus fine que les versions lacet, vraiment performante quand on veut griffer des petites concavités (bidoigts et cie) et se montreront aussi très à l’aise en bloc granitique, style “panneau à arquées”.

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les 2.0 en action au Verdon

Les bleus sont, sans surprise, les plus aptes des trois à pousser fort sur des micro-prises franches en léger devers ou dans du vertical : un excellent choix pour du  old school  et pour des applications spécifiques en bloc. C’est aussi le modèle le plus performant des trois quand on le prend un peu plus grand, pour la grande voie, même si leur extrême rigidité ne mettra pas tout le monde en confiance!

Les oranges, sans être des chaussons « souples » dans l’absolu, ont plus d’aptitude aux sensations, à se laisser écraser sur des rondeurs et à griffer les prises. C’est peut être les plus polyvalents des trois quand on se projette sur une utilisation dans d’autres types de rocher que le calcaire proche de la verticale à crispettes: pensez devers à colos, mais aussi des spots demandant fluidité et feeling comme par exemple Céüse, essais à vue où vous ne savez pas trop quel genre de prises de pieds vous attendre, en salle de diff’, etc…

La gomme, que le fabricant source lui-même, est assez rigide, assez similaire en performances et durée à la vibram xs edge, et contribue grandement à la précision de ces chaussons sur les petites prises.

Dans tout le cas les performance des trois « pantera » me semble largement comparable à ce qui se fait de mieux dans ce genre de chausson structuré, asymétrique et précis, sans être “extrême” dans la cambrure ou la tension.

En tant qu’adepte de la grimpe en fissure je remarque que la forme « orteils pliés » de cette ligne de chaussons n’y est pas trop adaptée, en dehors d’un certain type de granite où finalement on profite plus des cristaux et réglettes sur les côtés que de la fissure proprement dite.

Dans la durée                                         

Ayant utilisé deux paires de pantera scratch et une de lacets bleus pendant longtemps (plusieurs ressemelages) je peux commenter à propos de leur durée dans te temps. Pourvu que votre ressemeleur fasse un bon travail, les deux modèles tiennent très bien le coup, en particulier la version à lacets – peut être en raison de sa plus grande rigidité. Les ressemeleurs chez qui je me suis servi ont d’ailleurs remarqué une très bonne qualité de la construction: le petit drapeau italien n’est pas là pour rien! Pour l’histoire, le modèle bleu dans la photo est à son cinquième ressemelage, il grimpe encore dignement (même si selon mon cordonnier ça sent la fin) et la tige commence tout juste à montrer quelques abrasions en correspondance des orteils.

Le mot de la fin

En résumant, avec cette gamme wild climb on tient une option très intéressante pour ceux qui aiment un chausson structuré, précis, axé sur le gros orteil. En connaissant bien la gamme, il est possible de vraiment cibler ses exigences en termes de rigidité et volume. Si la proposition n’et pas “extrême” en griffe ou tension au talon, les performances en falaise, le rapport confort/performance et qualité/prix en font des concurrents sérieux à des marques plus célèbres. Dommage que ce petit fabricant italien reste très peu distribué en France!

Burne Out, nouvelle voie Catsoyannis© au Verdon

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Ci-dessous quelques (!) images de Burne out, nouvelle grande voie ouverte par Lionel et Marie-Line Catsoyannis avec l’aide de Perrine Merle. Grace à la générosité de Lionel j’ai pu faire la première à vue, en deux visites : d’abord en août 2018, à voie encore en chantier, pour la grotte, et ensuite en février 2019 (brrr..) pour la partie « extérieure », qu’on a attaqué avec Marie-Line alors que Yo posait les points de la dernière longueur et nettoyait l’avant dernière !!! Il s’agit d’une proposition très ludique, variée et inusuelle, idéale pour l’été et les périodes sèches. En considérant la localisation, la saison idéale et le niveau la voie me semble parfaite comme « jour de repos actif » pour ceux qui font des longs séjours à la Ramirole (c’est pas loin).

Au menu un départ presque spéléo dans une grotte, une longueur délirante et très « 3D » dans un plafond à grosses stalactites, un boyau Catsoyannis©, du tractage de trous en devers, de la traversée aérienne et pour terminer un bon mur bien verdonnesque sur petits bidoigts fuyants. Encore une voie best-seller?

Quelques considérations :

-ce n’est pas du haut niveau et c’est très bien équipé à l’instar des autres voies du même ouvreur (Alix, Tandem, Moralanemia pour n’en citer que 3)…MAIS les trois longueurs dans le 7 ont des styles totalement différents, la plus physique est au début alors que la plus dure et obligatoire est la dernière, et la retraite est difficile voire impossible après L5. Traduction: on en profitera avec moins de stress si un est un peu à l’aise dans le niveau.

-la longueur du plafond (incotable, pour être honnête) est aussi belle que délicate : les stalactites peuvent être fragiles si mouillées et en cas de vol il faut pouvoir remonter avec des bloqueurs ou en marchant sur la corde. En effet, entre le tirage et la position de l’assureur, il sera bien difficile de « pomper » comme on fait en couenne…Enfin quand on grimpe cette longueur on est sans doute rassurés en utilisant une corde à double, pour se protéger des frottements et d’éventuelles casses de stalactite (à bon entendeur). (pour rappel: si vous utilisez une corde “triple norme” de 80-100 m pour les couennes, vous pouvez vous y encorder au milieu, et ça fait une corde à double lourde mais tout à fait valable!)

-Comme le reste de la voie (sans le plafond) n’est absolument pas sans intérêt, en cas de doute (grotte humide, manque de matos de remontée, ça vous angoisse) il vaut mieux éviter cette longueur en passant directement de R1 à R3 (longueur de marche dans la glaise et court passage de III, non protégée, en pointillé dans le croquis. Chute interdite mais c’est facile…si des répétiteurs veulent mettre un spit au tamponnoir l’ouvreur semble d’accord ;)) .

-grotte toujours à l’ombre, le reste le sera vers 13h en heure d’été.

Localisation

rive gauche des gorges du Verdon, sur l’Artuby, Se garer au pont.

Lien google maps avec vue sur la voie

Approche

tout d’abord, assurez-vous que l’Artuby soit totalement sec (cas normal en été), en regardant depuis le pont ! Du pont, rive droite de l’Artuby (ou coté sud-est, si vous préférez), prendre un chemin bien tracé qui suit plus ou moins le bord de la falaise, vers l’amont de la rivière (=direction sud). Assez rapidement vous allez rejoindre le chemin de remontée des clients du saut à l’élastique, que vous allez utiliser pour descendre dans la gorge : nombreux marquages et cordes fixes. Une fois dans le lit de la rivière, à l’aplomb du pont, poursuivre en aval jusqu’à voir une énorme baume sur sa gauche. Burne Out part sur le pilier gauche de la grotte.

Il existe une approche alternative par un canyon sec juste en face de la voie (rive opposée de l’Artuby, bien visible dans le lien google maps en début d’article), qui permet d’y aller quand l’Artuby présente des flaques d’eau (surtout ne pas y aller quand la rivière coule fort ! risque de rester coincés au fond de la gorge comme des cons…). Mise en garde : d’une part cette approche est qualifiable de « terrain d’aventure » en raison de l’absence de vrai chemin pour descendre au canyon, ainsi que d’un équipement hétéroclite. De l’autre, s’il reste de l’eau dans l’Artuby la grotte sera probablement mouillée et il faudra éviter le plafond, on vous prévient… en période sèche ce canyon sec reste une alternative rigolotte si vous aimez ce genre de terrain. Nombreux rappels, de 30m max si on ne saute pas des relais.

Retour

rejoindre la route au mieux (ronces, petites barres rocheuses), ensuite marcher 2min jusqu’à la voiture.

 

Test SCARPA à Arkose Genevois

Hier soir j’étais présent au test chausson SCARPA à Arkose Genevois.

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J’ai notamment pu mettre mes pieds dans l’Arpia, nouveau modèle qui promet d’être intéressant pour un large éventail d’utilisateurs recherchant un compromis “équilibré” entre confort, technicité et facilité de chaussage/déchaussage. Je vous livre ici quelques impressions rapides.

Sachez que j’ai testé ce modèle dans une pointure relativement confortable (41 pour un pied 42.5 en ville), comme si j’avais voulu le choisir pour faire des grandes voies de 200m. En recherchant la performance pure j’aurais pu descendre à 40.5 mais d’une part cette pointure n’était pas disponible, de l’autre ce choix aurait été en contre-tendance avec le programme de ce chausson.

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Forme et volumes

Au niveau de la pointe on est sur une forme plate avec un soupçon de griffe, à la fois assez large mais peu volumineuse en hauteur, asymétrique et pointue juste ce qu’il faut pour concentrer la puissance sur le gros orteil et permettre un travail correct sur les trous et autres concavités. Cette forme, avec un choix de matériel (microfibre) assez souple et élastique, devrait donner une impression de confort instantané à beaucoup de pieds – mais les plus fins se trouveront peut être mal maintenus (notez qu’il il existe une version femme, mais je ne sais pas quelle est exactement la différence avec la version homme – selon les marques et les modèles cela peut se traduire par des volumes uniformément plus étroits, d’autres fois uniquement par un talon coupé différemment, et enfin il y a des cas où la seule différence consiste en une plus grande souplesse)

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Le milieu du pied est plus étroit, et le talon a un volume moyen, avec une tension elle aussi dans la moyenne. Ce talon, ressemblant visuellement à celui du Mago, il est assez peu structuré, ce qui dans mon expérience est un cas de figure à double tranchant: d’un coté il s’adaptera mieux aux différentes formes de pied, de l’autre il sera réellement efficace seulement si rempli à bloc. Un choix très agressif en termes de pointure serait donc primordial pour en tirer pleinement profit, mais il y a à parier que les acheteurs de l’Arpia n’opteront pas pour la pointure ultime . De toute façon, il est très difficile de marier un confort d’ensemble adapté à des longues séances d’entrainement/ouverture/grande voie avec un talon réellement performant: les modèles y arrivant se comptent sur les doigts d’une main et encore, il ne seront pas forcement les mêmes selon la forme de votre pied…

La fermeture se fait par un seul scratch en “Z”, solution qui brille par sa rapidité et qui offre un très bon maintien du cou du pied, avec un serrage uniforme. Le seul compromis de cette solution est l’impossibilité de cibler le haut de la chaussure pour aider la tenue du talon: on a toujours l’impression qu’on est moins efficaces à cet endroit par rapport à des scratchs plus classiques (impression que j’ai eu par le passé avec des Boldrini ou des 5.10 Jet7)

Globalement, on est vraiment à mi chemin entre des modèles “à l’ancienne” (type 5.10 anasazi) ou destinés aux débutants (le chausson de location de votre salle) et les tendances actuelles en termes de modèles performance tous en griffe, pre-tension et asymétrie (la gamme Drago/Chimera/Furia chez SCARPA représentant ce qui se fait de plus extrême en matière).

Rigidité, support et sensations en grimpe

En termes de rigidité de l’intercalaire de la semelle, l’Arpia est dans la moyenne haute des modèles actuellement présents sur le marché, sans pour autant se montrer extrême. En revanche, la griffe de la pointe est à peine présente et la tension générale du chausson est assez faible. La combinaison de ces caractéristiques se traduit pour un ressenti de grimpe qui sera qualifié de “souple” par ceux qui possèdent des chaussons vraiment rigides et spécialisés dans le grattonage (SCARPA Vapor Lace, LaSportiva Miura VS et XX, 5.10 Anasazi Blanco, Wild Climb Pantera 2.0), et de “rigide” par les grimpeurs habitués aux chaussons conçus pour les compétitions et/ou le bloc en salle (la gamme soft de SCARPA, les NoEdge chez LaSportiva, les MadRock HayWire).

Concrètement, cela veut dire que l’Arpia accepte bien de s’écraser sur les volumes et autres grosses surfaces dans des profils pas trop raides, tout en étant suffisamment structuré pour se montrer solide et peu fatigant pour les orteils en grattonage. Le revers de la médaille est une faible qualité prehensile: en fort devers, l’Arpia griffe bien les prises seulement quand celles ci sont crochetantes (même s’il s’agit de petites réglettes) mais il ne faut pas trop lui demander en termes d’effet-ventouse sur des grosses rondeurs ou des volumes. Ayant aussi brièvement essayé le Chimera, la différence de performance avec un modèle spécifique pour le haut niveau est bien présente.

Au delà d’un confort exemplaire, la grande qualité de ce chausson est son utilisation très intuitive. Tous les choix de forme, rigidité, tension ont visiblement été faits avec maîtrise et sobriété, et ces caractéristiques du chausson viennent aider le travail du pied en douceur, sans perturber les sensations. Dès les premières minutes on est en confiance et on sent précisément la limite du chausson, ce qui permet rapidement de l’oublier. Par contraste, tous les modèles “extrêmes” que j’ai eu ou que j’ai testé demandent un certain temps d’adaptation, quand on vient d’un concept de chausson différent, et pendant les premières minutes voir séances on doute, on regarde deux fois si le pied est vraiment bien placé, etc.

En résumant

SCARPA présente cet Arpia comme un modèle destiné aux grimpeurs en évolution, qui sont à la recherche d’une paire de transition entre leur chausson de débutant, et les modèles “performance” sans compromis. Posé en ces termes, le contrat me semble parfaitement rempli: l’Arpia aidera ces grimpeurs avec des performances nettement meilleures qu’un chausson d’entrée de gamme, mais sans les perturber avec un caractère trop affirmé.

Pour autant, ce chausson peut séduire des grimpeurs plus expérimentés à la recherche d’un chausson confortable pour les grandes voies ou l’échauffement: l’Arpia a tout pour bien figurer dans des longueurs de mur vedonnesques de niveau 6 et 7, avec en plus le coté pratique dû au système de serrage très rapide.

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on voit bien la “finesse” de la pointe du Arpia dans le sens de sa hauteur

Enfin, revenant tout juste de deux semaines de trad à Annot, je remarque que le profil de la pointe, particulièrement basse et effilée dans le sens de la hauteur, devrait se prêter à merveille au crack climbing. Je n’ai évidemment pas pu les tester en cette configuration, mais je ne serais pas surpris de les voir aussi à l’aise dans les splitter* les plus fins que le chausson de référence pour cette spécialité, le légendaire 5.10 Moccasym. En revanche, l’Arpia sera sans nul doute plus polyvalent que la vielle ballerine rouge à chaque fois qu’il faudra charger une prise de pied en dehors de la fissure. Pour cette utilisation de niche, il faudra tout de même prévoir une quelque forme de sur-protection pour le système de fermeture, lors de son passage dans les oeillets: même si celui-ci est assez haut et ne devrait frotter que rarement, il s’agit tout de même d’un “point dur” et le risque de couper la sangle en quelques verrous de pied, surtout dans les fissures larges, est réel. Rien de grave: comme d’habitude quand on maltraite le matos à coups de verrous et renfougnes, du strap ou du scotch américain feront l’affaire, alors que les rares assidus de la spécialité s’amuseront à bricoler une solution définitive à base de polyglut/sikaflex et similaires. Il restera un autre problème possible avec cette fermeture: il n’est pas exclu que dans combats offwidth les plus chaotiques le scratch s’ouvre tout seul…ce qui se produira sans doute quand vous êtes déjà entre panique et agonie, car c’est souvent quand l’acide lactique remonte au cerveau qu’on commence à faire n’importe quoi avec les pieds 😀

Il est en tout cas un peu dommage, à mon avis, que SCARPA ait décidé de décliner en version “cheville montante pour les fissures” le Maestro, chausson costaud qui a l’air excellent à la fois en grimpe de face et dans les fissures larges, mais dont la pointe est plus

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San Heinz, ascoltami!

 ronde et volumineuse, donc potentiellement inefficace dans des fissures à doigts…alors que cet Arpia semble avoir le profil parfait pour briller aussi quand le combat se fait plus étroit! Heinz Mariacher, si tu me lis: fais moi un Arpia cheville montante, un poil plus structuré pour ne pas torturer le pied en renfougne, avec une fermeture légèrement revue pour éviter usure et ouvertures intempestives…Je t’en achète deux paires direct, promis 😉

 

*splitter: fissure perpendiculaire à une face homogène (sans dièdre), qui de quelque sorte se retrouve coupée en deux (split).

 

Annot… partie 1

Quelques images de ma dernière virée à Annot en compagnie de Michele Caminati, autre grand passionné d’escalade trad et fissures.

Un site toujours aussi savoureux même quand on retourne dans des classiques qu’on a déjà fait plusieurs fois, histoire de préparer un stage ou de poser pour une grosse pointure de la photographie outdoor. Annot fait partie de la crème de l’escalade à la française, au même titre que des sites comme Céüse pour la falaise équipée ou les gorges du Verdon pour la grande voie. Quand on a la chance d’avoir des amis aussi acueillants que Lionel et Marie-Line, on y passe rapidement des semaines à rallonge!

 

L’autre pied

Je vous présente aujourd’hui une situation assez classique en escalade, mais qui met en difficulté un bon nombre de débutants et même de grimpeurs en évolution.

La question est simple : quand vous n’avez qu’une bonne prise de pied pour faire votre mouvement de main, quoi faire de l’autre pied ?

J’essaye d’esquisser quelques idées et pistes pour mieux comprendre, dans des cas simples : on se limite ici aux mouvements statiques.

Idée #0 : vaut mieux avoir une jambe de bois qu’une jambe de chien

Toutes les astuces techniques que je propose ci-dessous partent du principe que la jambe « libre » est tendue et gainée (jambe de bois) plutôt que pliée et molle (jambe de chien). Autrement elles ne marchent pas!

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jambe de chien

Idée #1 L’autre pied, et sa jambe, sont un contrepoids.

Imaginez vouloir attraper une prise loin à votre gauche, en poussant sur le pied gauche: « l’autre pied », c’est le droit. Pour atteindre la prise, il fait déplacer votre épaule droite le plus possible vers elle, tout en gardant un certain équilibre sur le pied droit.

Dans ce cas, il est facile de voir que plus vous ouvrez votre jambe droite, plus, pour compenser l’équilibre, le bassin et haut de votre corps vont se déplacer vers la gauche, et donc vers la prise ciblée.

Et si on était à pieds inversés, en drapeau, ce serait pareil, sauf que cette fois les deux jambes se croisent.

On peut tenter de systématiser grossièrement en disant : si on veut aller à droite, faut placer « l’autre pied » à gauche, si on veut aller à gauche, il faut mettre « l’autre pied » à droite.

Idée #2 L’autre pied, et sa jambe, sont un levier.

On rentre ici dans une idée un peu plus avancée, pertinente dans les inclinations allant de la dalle raide au léger devers.

Dans ces inclinations votre corps tombe  doucement en arrière, basculant autour de la prise de pied. Pour éviter cela vous pouvez vous servir de vos mains mais aussi de l’autre pied. Placez-le assez bas, et exercez une forte pression dans le mur, comme pour y creuser un trou. En même temps, le pied qui est placé sur une prise doit la pousser vers le bas mais aussi la « tirer » vers l’extérieur, comme pour l’arracher. Ces deux actions vont contrer la bascule du corps et soulager vos bras.

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Même idée, mais dans un autre plan de rotation : on est en léger devers, on cherche une prise main droite. On veut pivoter le corps pour approcher l’épaule droite du mur, sans trop utiliser le bras gauche. Dans ce cas, si « l’autre pied » pousse le mur quelque part à notre gauche, il va nous aider à obtenir cette rotation, par effet de levier.

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La pression du pied gauche contre le mur aide les épaules à pivoter de façon avantageuse

Idée #3 Pousser l’autre pied dans le mur, m’aide à gainer

Pour comprendre cette idée, je vous propose de vous placer debout face à un obstacle et de pousser fort contre celui-ci avec l’un de vos pieds. Placez une main sur le ventre, et observez comme, pour pousser fort, il est nécessaire, et instinctif, de contracter les abdos.  Donc en escalade, pousser l’autre pied contre le mur est aussi un moyen d’assurer le gainage et la stabilité du tronc.

Proposition d’exercice: l’essuie-glace

Pour terminer, je vous propose un petit exercice technique, à tester sur une portion de mur avec beaucoup de prises, dans l’idéal d’inclinaison verticale ou légèrement déversante. Regardez attentivement la vidéo!.

Test Chausson: La Sportiva Maverink

Le modèle La Sportiva Maverink, dernier né de la gamme NoEdge, a été conçu à la base comme chausson de transition entre les modèles enfant et les chaussons techniques d’adulte. Il vise un compromis entre des bonnes performances, surtout en salle, et la nécessité de ne pas trop contraindre des pieds en pleine croissance : c’est en quelque sorte d’un « chausson d’adolescent ».

Il arrive pourtant de le voir porté par des adultes : les plus attentifs l’ont peut-être reconnu aux pieds des ouvreurs en marge de quelques étapes de coupe du monde, ou encore de certains athlètes en vitesse.WP_20190202_20_30_14_Pro

A la recherche d’une « ballerine d’entrainement » au prix compétitif, à utiliser principalement en salle, confortable, souple, rapide à chausser/déchausser mais dotée d’un talon correct, j’ai décidé de tenter le coup : l’argument décisif a été pour moi la durée de vie de la gamme noedge en salle, que je trouve nettement supérieure à celle des modèles plus traditionnels (mais ça dépend beaucoup de votre façon de trainer « l’autre pied » contre le mur lors des mouvements en carre externe. Si d’habitude vous percez l’enrobage en pointe de vos chaussons, les noedge sont une solution. Elles ne le sont pas si vous percez plutôt au niveau de la « bosse » du gros orteil)

Je vous livre donc ci-dessous mes impressions, après une utilisation d’environs un mois et demi, au 100% en salle.

Chaussant

On est face à un avant du pied relativement peu volumineux, allongé et un peu plus pointu que dans d’autres modèles noedge. Les orteils s’y placent droits mais légèrement vers le bas, un compromis à la fois naturel et relativement original  entre les modèles les plus agressifs et plongeants, et ceux qui suivent la forme d’un pied à repos.

Le talon est dans la lignée du reste de la gamme LaSortiva: rond, profond et de volume moyen, mais il a été un peu assagi dans la poussée par rapport aux modèles performance.

En ce qui regarde la pointure, ce chausson semble conforme au reste de la marque italienne : je l’ai donc pris une demie taille plus grand que mes Futura « de performance ».

J’ai remarqué une légère détente au fil des usages : l’avant du pied gagne en volume et s’adapte bien à la forme des orteils. Après cette phase de détente, mon gros orteil se retrouve à peine plié alors qu’en origine il était vraiment droit.

Confort

C’est l’un des grands points forts de ce chausson. Il ne m’a presque jamais gêné sauf si mes ongles étaient vraiment trop longues : point commun à tous les chaussons noedge, ils ne pardonnent pas en ce sens. Finalement je déchausse moins souvent qu’avec mes autres chaussons confort.

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Adhérence et talon: deux situations qui conviennent bien au maverink

Si vraiment on veut chercher le cheveu dans la soupe, j’aurais coupé l’élastique qui assure la fermeture un petit peu plus bas : sur mon pied il remonte contre la malléole externe.

Performances

Du fait de son attitude très « neutre », ce chausson accentue l’effet chaussette d’escalade qu’on retrouve déjà sur un speedster ou un futura.

En salle, il est plutôt efficace à condition d’avoir un pied fort et habitué à un grand retour d’information : pousser fort sur un tout petit pied en dalle peut s’avérer physiquement difficile et un peu désagréable, car on est presque orteils nus sur la prise!

De même, dans les devers les plus marqués ce sera surtout à vos orteils de griffer la prise : le maverink n’aide pas cette opération avec une forme hyper-plongeante ou une tension folle des enrobages…mais grâce à sa souplesse, il ne vous gêne pas non plus.

Le talon reste un talon de ballerine sans scratch, mais parmi les meilleurs exemples de la catégorie: il reste assez sur même quand on tire “droit dans l’axe”. Il est plutôt du genre souple-sensitif, et si dans le 90% des cas cette conception est efficace en salle, on y trouvera quelques limites de précision lors des rares mouvements obligeant à talonner sur une règle.

Si pour l’instant je vous présente des performances ordinaires, il y a un domaine où le maverink est vraiment très performant, au mieux de ce qu’on peut demander : les adhérences sur volumes. Le mix entre une souplesse extrême et une forme assez neutre font qu’il est très facile d’écraser toute la semelle à plat et de sentir avec précision le point de glissade.

Si cette description n’était pas encore claire, et vous grimpez depuis quelques années : pensez à cette paire de cobra qui, prise ultra pétite au début, s’était détendue au point de devenir un chausson d’échauffement/entrainement/grande voie…le maverink est vraiment très proche de ces sensations là, mais avec plus de gomme et un meilleur talon.

Sur du rocher ?

Tout en n’ayant pas encore testé ce chausson en rocher, je peux en imaginer les performances.

J’aimerais bien l’utiliser sur des voies en dalle couchée avec des adhérences foireuses, sur du calcaire à colonnettes, pourquoi pas certaines fissures, surtout en grès (même si dans les plus fines fissures à LA référence absolue reste le moccasym de chez 5.10, notamment quand il est bien “fait”)

Le maverink serait par contre un vrai cauchemar ou alors une forme d’entrainement sur tout ce qui ressemble à un mur vertical à petits grattons : l’absence absolue de soutient va se payer, là où futura et speedster arrivent encore à se défendre grâce à leur agressivité plus prononcée.

Au final : pour qui ?

En tant que moniteur d’escalade je comprends pleinement la destination d’usage première de ce chausson, c’est-à-dire les grimpeurs en pic de croissance : non seulement ça ne déformera pas trop leurs pieds, mais il sera aussi un véritable outil pédagogique de part de son caractère sensitif et neutre. En effet, il permet vraiment de bien comprendre le travail des orteils en grattonnage, adhérence, griffe. En ce sens, je le conseille aussi aux adultes en évolution de poids léger, comme paire de transition entre les premiers chaussons entrée de gamme et les modèles orientés à la performance.

De même, il me semble un excellent choix pour les grimpeurs confirmés qui recherchent un chausson à utiliser principalement  pour s’entrainer et/ou s’échauffer : on perd un poil en performances pures, mais on gagne en confort et on entraine musculairement les pieds au passage.

Les ouvreurs à la recherche du chausson le plus confortable possible, tout en gardant un talon correcte, seront également ravis.

Enfin, ce sera un outil spécialisé pour les compétiteurs en bloc, à sortir du sac pour les dalles « 100% volumes » ou avec des pieds fuyants.

En tant que chausson principal pour des adultes, je me sens de le conseiller uniquement à des poids plume qui veulent un chausson très souple, et qui n’apprécient pas une griffe prononcée – autrement les autres noedge, mais aussi les différents drago/furia/chimera chez Scarpa, seront un choix plus performant.

Critique de films: Up to Speed, Race For The Nose (Reel Rock 13)

Cet article fait partie d’une série de résumés/critiques des films présentés lors du Reel Rock 13. Aujourd’hui je vous présente deux films tournant autour de l’escalade de vitesse. Attention, spoilers!

Up to Speed

Ce brève chapitre teinté d’humour, filmé dans un style bien américain, met l’escalade de vitesse à l’honneur. On y découvre premièrement qu’il s’agit d’un réel exploit sportif, et là, en ce qui me concerne, pas de surprise ! J’ai eu occasion d’assurer l’actuel champion du monde à l’entrainement, et je peux vous dire que faire passer 15 mètres de corde dans un grigri fixé au sol, en environs 6 secondes, est une déjà une petite performance physique. Alors être de l’autre côté de la corde et faire ces mêmes 15 mètres en 6’’ à la verticale c’est vraiment une prouesse  qui n’a rien à envier aux 100 mètres en moins de 10’’ : respect, et silence !CW-5KvdA

Si la perspective historique sur la discipline m’a semblé un peu trop americano-centrée et expéditive, le film est réellement informatif quand il esquisse le milieu actuel des compétitions de vitesse. On y devine une diversité vitale, rafraîchissante et notamment des pays, des physiques ou des stéréotypes socio-culturels assez éloignés de nos habitudes de grimpeurs français.

Il faut l’admettre : même si l’escalade évolue, sociologiquement parlant on pratique toujours un sport surpeuplé par des occidentaux blancs, fils de la bourgeoisie, ayant un « capital culturel » aussi important que leur temps libre, attentifs à la provenance de leur nourriture et à l’environnement (au moins dans les mots). On constitue un milieu relativement auto-référentiel et régi par certains clichés communicatifs : on se doit d’euphémiser ses tensions compétitives, de cultiver une certaine discrétion, d’afficher son approche à l’escalade comme recherche intérieure, presque spirituelle. Tout en participant au moins en partie à ces clichés, je reconnais le besoin d’introduire une part de variété, de nouveauté, sans quoi notre petit monde finira, je crains, par se vriller sur lui même tel un cade du Verdon.

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Alors, moi je trouve ça hilarant, vital et très positif qu’une discipline de l’escalade de compétition ait pour recordman un mâle alpha iranien avec des masses musculaires dignes d’un Mr Olympia, qui saute sur le podiums des deux pieds et s’habille de chaines; je trouve ça bien que l’une des équipes féminines les plus fortes vient d’Asie du sud-est, pratique en voile et manches longues; je comprends que quand on est gamin en Sibérie et on pratique par -20 °C, sans discuter, le sport que nos parents ont choisi d’autorité pour nous durcir l’esprit et nous développer physiquement, on fait de l’escalade de vitesse: le bloc c’est un peu trop ludique!

En résumant: contrairement au narrateur du film je ne vais pas me mettre à la vitesse demain ni le sur-lendemain, mais je remercie le réalisateur de ce regard frais sur une discipline méconnue, que beaucoup d’entre nous discréditent à tort en hochant des épaules !

Race for The Nose

On nous remontre ici un film déjà présenté lors du Reel Rock 6, tournant autour de la rivalité entre le tristement disparu Dean Potter et Hans Florine pour le récord de vitesse du Nose, la ligne mythique d’El Capitan au Yosemite.

Au delà de l’exploit sportif et de la grande prise de risque nécessaire pour limer le chrono, j’ai trouvé particulièrement intéressante la dimension psychologique de l’histoire. Les deux rivaux ont en effet une approche diamétralement opposée à leur défi.

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D’une part on a  Hans Florine (qu’on a déjà connu dans up to speed, en qualité de pionnier des compétitions de vitesse aux US). Hans a l’air d’un père de famille ordinaire, exception faite pour son obsession : détenir le record de vitesse du Nose. Il assume pleinement et sereinement cette envie, et les sentiments compétitifs qui vont avec : si quelqu’un améliore son record, il court aussitôt entrainement, sourire aux oreilles. On le voit en même temps déçu de ne plus être le recordman, rongé par l’envie de battre l’autre et amusé par la course. Quelque part au fond de lui, il pourrait même remercier ses rivaux de lui donner une autre occasion de remettre ça…

On ne peut pas plus différent, Dean Potter est un grimpeur et base jumper professionnel, dirtbag et artiste. Il rentre dans la course au record un peu par jeu, et s’y prend rapidement. Mais chez Dean, l’histoire n’est pas aussi simple que chez Hans : son identité, image publique et références culturelles lui empêchent d’assumer sereinement ses sentiments compétitifs. Potter sait que l’envie de dépasser l’autre fait partie de la nature humaine, mais il s’agit pour lui d’une partie qu’il faut en permanence modérer, qu’on devrait supprimer si seulement cela nous était possible. Rongé par ces contradictions internes, et forcé de s’éloigner des US suite à l’affaire Delicate Arch, Dean met de côté la course pendant des années…pour finalement y revenir en 2012, à 39 ans, pour voir si j’y arrive encore. Malgré un erreur de débutant lors d’une remontée au jumar, ayant couté quelques minutes, Potter et son ami améliorent de record de justesse. Et Hans, brûlant de jalousie, se précipite à l’entrainement…

Critique de film: Queen Maud Land (Reel Rock 13)

Cet article fait partie d’une série de résumés/critiques des films présentés lors du Reel Rock 13. Attention, spoilers!

Queen Maud Land

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En ce chapitre on observe six grimpeurs américains lors d’une expédition en Antarctique. Les images, tournées en grande partie au drone, sont les plus belles parmi les cinq court métrages, au point qu’elles laissent quelque part en retrait l’histoire. Je retiens :

  •  les nettes différences d’approche entre les trois cordées, le duo Honnold/Wright gravissant des lignes plus accessibles dans un style alpin rapide et engagé, Anker et Chin choisissant un style « big wall » classique sur une seule paroi, le duo féminin Cummins/Pfaff se situant mi-route entre ces deux extrêmes.
  • Même en antarctique on grimpe à mains nues  (si la météo est bonne et on reste sur une face ensoleillée).
  • le rocher esthétiquement le plus beau peut être aussi le plus pourri. De loin, le faces granitiques du Queen Maud Range sont riches en formes qui rappellent les Tafoni corses… mais dans les cadrages plus proches, on devine qu’il s’agit d’une sorte de croûte de surface peu solide, faite de gravillons collés au permafrost…on doit y grimper comme sur des œufs, sans jamais être sûrs de ses prises ni de ses protections. De quoi refroidir même Alex no big deal Honnold…
  • la passion de Conrad Anker, qui retourne en expé un an après avoir fait un infarctus au Lunag Ri.
  • lors d’une expé dans l’un des endroits les plus isolés de la planète, vaut mieux éviter les bobos démandant plus qu’un pansement, dixit Anna Pfaff.
  • quand on est bien sponsorisés, on peut se permettre de défoncer ses plus beaux fringues techniques à coups d’offwidth
  • Bon, je l’admets : Alex Honnold grimpe un poil mieux que moi…mais à ski, je lui mets sa race! 😀3oKbsqX-

Critique de film: Age of Ondra (Reel Rock 13)

Cet article fait partie d’une série de résumés/critiques des films présentés lors du Reel Rock 13. Attention, spoilers! Pour le chapitre précédent, c’est ici

Age of Ondra

Voilà un film tournant autour de cette question qu’on est beaucoup à e poser : pourquoi Adam Ondra est-il si fort ? Quel est son secret ?

D’abord, ce film retrace avec quelques touches d’humour la carrière du jeune Ondra, et son envie innée d’arriver au bout de tout défi qu’il lui est présenté : enfant, il lui arrivait d’être visiblement déçu d’une première place en compétition…s’il n’avait pas réussi à gravir la totalité des voies proposées ! On apprend aussi que ses colères épiques lors d’un essai raté sont en quelque sorte la « masculinisation » de ses crises de larmes d’avant l’adolescence.

Qbz1c7kCArrivés à l’âge adulte, on découvre un grimpeur acharné à l’entrainement, soucieux du moindre détail, capable d’expérimenter en consultant entre autres un vieux professeur de ballet et peu sensible aux pressions extérieures. Il fait tout ce qu’il juge nécessaire pour atteindre son but, même si cela implique des importants investissements matériels (notamment pour Silence 9c), ou un certain ridicule lors d’une séance de visualisation. Quand les conditions météo ne sont pas optimales, il est capable de décevoir une foule de spectateurs venus à la falaise pour assister à son show, en remettant un essai flash  à une date ultérieure.  La visualisation et le flash, justement, sont les thèmes principaux de la dernière moitié du film, qui suit les tentatives de la machine Tchèque de réaliser le 1er 9a+ dans ce style au monde. Ondra est impressionnant non seulement par sa capacité de stocker de façon instantanée l’information relative aux prises et mouvements, mais surtout dans sa façon de la traiter : avant un essai, il peu mimer au sol chaque séquence pendant des jours, son kiné lui servant de « simulateur de rocher » (à un moment, on voit le kiné qui reproduit avec es doigts la forme d’une prise. « Plus petit » lui dit Adam, qui a uniquement vu cette prise en vidéo). Après une tentative avortée en Espagne et une zipette fatale au Canada, c’est en France, à St Léger du Ventoux, entre Face Est et Praniania, qu’Ondra atteint ce dernier objectif. Après avoir torturé Gérome Pouvreau et Quentin Chastagnier de questions sur la voie, et passé deux jours à la visualiser, le résultat est bluffant : c’était au 95% comme prévu, chaque prise me donnait exactement le ressenti attendu. Même si je n’avais jamais touché les prises auparavant, j’avais l’étrange sensation d’avoir essayé la voie plusieurs fois…

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Donc, en résumant : une longue pratique depuis l’enfance, l’envie de réussir vraiment, une attention obsessionnelle pour le détail, aucune économie dans le temps ni dans les moyens matériels investis, une grande ouverture d’esprit…Le secret de la réussite d’Adam Ondra c’est qu’il n’y a pas de secret ? 😉